Dave Valentin a été un enfant du Bronx où il est né en 1952 de parents Portoricain. Sa passion pour la musique a démarré très tôt, avant même ses dix ans, il jouait du bongo et du conga. A 12 ans il jouait dans certains clubs de New York. Il se raconte qu’il s’est mis à la flute plus tard uniquement pour plaire et séduire une jeune fille prénommée Irène, flutiste, à qui il a tenté de faire la sérénade pour l’impressionner. Il est éconduit mais conserve l’envie de jouer de la flute. A l’université, il se perfectionne aux percussions et à la flute. Il prend des cours avec Hubert Laws, considéré comme le maître dans la discipline, qui devient quelque part son mentor. Mais ses influences s’enracinent dans le latin jazz percussif afro-cubain avec Machito, Portoricain avec Tito Rodriguez et Tito Puente. Dans le jazz, il s’inspire de James Moody, Frank Wess, Herbie Mann, Joe Farrell et bien sur Hubert Laws. Fort de son bagage et de sa culture, Dave développe sa propre technique de souffle percussive sur de multiples flutes pour jouer dans de multiples de formations de latin jazz, courant musical peu en vogue au milieu des années 70, mais Dave Valentin persévère en voyageant pour jouer en Europe, en Australie, en Afrique, au Brésil et il se fait un nom. En 1978, il est un des tous premiers artistes à signer pour le tout nouveau label de jazz fusion : GRP. Avant cela, il avait déjà joué sur les productions de Dave Grusin, notamment sur les albums de Patti Austin, Noel Pointer et Lee Ritenour.
Son premier album « Legends », sorti en 1978, est un condensé de son univers musical : jazz, latin et classique. Il poursuit sa carrière discographique au sein du label, où son style évolue peu les premières années avant de bifurquer un peu vers le jazz funk avec plus ou moins de réussite artistique et commercial selon les albums. En 1990, il enregistre un album de latin jazz avec son idole et ami Herbie Mann. Jusqu’à la fin de la décennie 1990, Dave Valentin est demeuré fidèle au label de ses débuts où il s’est épanouis, il est une figure incontournable du son GRP. Bien que nominé trois fois aux Grammy Awards, il ne l’a remporté qu’en 2003 avec le prix du meilleur album de latin jazz pour The Gathering, un album qu'il a enregistré avec Dave Samuels et Paquito D'Rivera sous le nom de The Caribbean Jazz Project. Qu’importe les motivations de Dave Valentin sont la musique et la reconnaissance de ses pairs. Mais sa carrière est suspendue après un AVC survenu en 2011 qui le laisse paralysé. Un second en 2015 mais un coup d’arrêt à sa carrière et il rend son dernier souffle en 2017. Il a quitté ce monde entouré d’Irène, sa première inspiration.

Mon avis : Comme pour beaucoup d’artistes de la trempe de Dave Valentin et de Dave Grusin, les premières productions discographiques sont souvent les meilleurs. « Legend » ne déroge pas à cette loi, d’une part parce qu’il s’agit du premier album studio solo de Dave Valentin; il y insuffle ses inspirations les plus pures qu’il a longtemps cultivé pour son écriture et ses composition et d’autre part, pour Dave Grusin, il est le galon d’essai pour son tout jeune label et il se doit d’être au niveau de l’attente pour son talent de producteur et ses concurrents. Aussi, la flute de Dave Valentin est enchantée par le soyeux des arrangements du tandem Grusin/Rosen, ces derniers lui offrent sur un plateau un album richement mais pas densément instrumentalisé pour une restitution d’ambiance intimiste, feutrée latin jazz certes, mais avec une propension vers un répertoire classique d’inspiration médiévale-renaissance par certains aspects qui évoquent l’union du profane par le mélange des genres et le sacré par la pureté des envolées de Valentin avec son instrument. La flute est un prolongement de l’âme passionnée de Dave Valentin et « Legend » en est un produit artistique intègre et authentique. GRP a aussi réussit son premier rendez vous avec les nouveaux talents qu’il recrute.

Mon avis : Avec la face 1 de « the land of the third eyes », Dave Valentin et Dave Grusin reviennent aux fondamentaux du label avec des titres jazz fusion avec des accents soul funk délaissant quelque peu le latin jazz des deux albums précédents. Marcus Miller avec sa basse slapée, Buddy Williams et son jeu de batterie en double croches et ses figures rythmiques de funk syncopées, Jeff Mironov à la guitare électrique donnent le la dans la lignée des productions de Tom Browne ou même d. Dave Grusin y met du sien aussi avec quelques effets d’Oberheim Sans compter sur l’assistance vocale de Patti Austin et de Luther Vandross sur open your eyes ! Seul "fantasy", une reprise librement instrumentalisée de Earth, Wind & Fire et les titres de la Face 2 renouent avec le latin jazz attendue du Dave des débuts avec cependant sans cette dimension de religiosité qui avait imbibé son premier Opus.

Mon avis : Alors que le funk bat le plein dans le paysage urbain de la côte Est des Etats Unis, était il nécessaire que les deux Dave se saisissent de ce courant musical populaire mais aux codes éloignés des leurs ? Avec « in love’s time », la question est légitimement posée. Non pas que l’album soit mauvais en soit, mais il s’avère que le ton n’y est pas tout à fait en dépit d’une instrumentation efficace pour un rendu d’ambiance séduisant sur la forme pour les titres chantées mais avec une image brouillée sur la finalité artistique. Le titre "in love’s time" a le mérite de nous faire hésiter un peu ; reprise de DELEGATION, on ne peut s’empêcher la comparaison avec la version originale du groupe de funk le plus fameux d’Angleterre ! Eh bien, la reprise de cette ballade tient le haut du pavé avec de jolis effets aux claviers dont Dave Grusin en a le secret pour magnifier le caractère sentimental de cette bluette.
La face 2, confiée artistiquement et arrangée par Dave Valentin lui même revient aux sources du latin jazz multi influences avec un savoir faire qui n’a pas faibli et toute entière consacrée au jeu virtuose de Dave. Mais il manque la patte de Dave Grusin sur ces derniers pour créer la magie, certainement trop occupé sur d’autres productions du label.